lundi 27 avril 2015

Ver de taire




La tête en jachère
Mettre les mains dans la terre
Et regarder s'échapper les vers

Écouter 
Se taire

Mets ta lepse, gamine!



Relativité, MC Escher.
Il y a quelques années, André Bellatore, un des professeurs de la Petite-Fille lui apprenait ce qu’était une métalepse. Il lui lisait Continuité des Parcs de Cortázar et prononçait ce mot bizarre.

Tu vois, là, c’est une métalepse narrative. 

Elle avait dû trouver le mot un peu pédant et ricaner pendant qu’il reprenait sa lecture. Elle, elle cherchait un jeu de mot. Mets ta lepse gamine ! Ma quoi ? Ta lepse… (mouais, bof) loin de deviner que cette trope, puisque c’est ainsi qu'on appelle les figures de style, que cette trope donc, était la clef d’une manne d’où s’échapperait, plus tard,  d’infatigables plaisirs.
Le soir, rentrée dans sa chambrée, cinquième étage d'une allée haussmannienne, avant la gentrification de Marseille, elle ricanait moins. André avait été clair : Écris une métalepse. De quoi se mordre les doigts. Faute d’avoir mieux écouté, elle avait regardé la biblio. Évidemment, Gérard Genette y figurait en tête. Mollement, elle avait tiré Figure II de ses étagères et tenté de mieux comprendre. 
Il était question du récit, de la diégèse et de ses différents niveaux : le lecteur, l’auteur, le narrateur, les personnages, les deux premiers faisant partie du réel, quand les seconds appartenaient au champ de la fiction, le narrateur pouvant lui-même se tenir hors de l’histoire, extradiégétique comme le disait Gégé, ou bien être un des personnages de celle-ci, intradiégétique, attention, vous commencez à prendre goût à la narratologie. 
Dans le récit classique, tout comme dans une maison proprette, on ne mélange pas les torchons et les serviettes. L'étanchéité des frontières est respectée. Mais voilà, il y a toujours des malotrus pour ranger les slips avec les caleçons.  Au théâtre, certains auteurs s’amusent à crocheter les portes. Shakespeare par exemple, ou Pirandello évidemment, gentlemen cambrioleurs.  Chez eux, les verrous cèdent  pour rejoindre les spectateurs. Mais la fiction peut, elle aussi, produire ce genre d'effets. Quand la frontière est franchie, on a affaire à une métalepse narrative. Voilà sa définition: toute intrusion du narrateur ou du narrataire extradiégétique dans l'univers diégétique (ou de personnages diégétiques dans un univers métadiégétique, etc.), ou inversement (Genette 1972, 244). Joie du paradoxe et de l’impossibilité logique (on ne peut être à la fois dans le film et dans la salle...) la métalepse est toujours ressentie comme une infraction. 

Dieu que l’outrage est bon !
         (La petite fille n’est qu’une vieille ado, elle n’en a pas fini avec la transgression.)
Plus largement, et plus tardivement, il a semblé à la petite fille que la métalepse pouvait être le paradigme du plaisir en littérature. 
Écrire, c’est provoquer sans arrêt ces glissements, faire de la métalepse à plein tube. Tu vois ton mari, ton enfant, le boulanger, entends une phrase dans le bus et glisses avec eux, les fais valdinguer sur les jambages des mots, tournoyer dans la bonde du O, un peu mijoter dans la cuve du U et c’est parti, ils se métalepsisent (attention, hapax): leur chair glisse, devenue papier. Ils rentrent dans la fiction, deviennent un peu plus eux ou autre, et là- silence et petite mort-  c’est l’orgasme du travestissement (ici, c’est Genet qui parle, un peu plus cul que Genette). 
Sous les drapes de la métalepse, comme au pieux, on peut changer de position. Ça marche aussi bien à l'endroit qu'à l'envers, mate un peu:

Tu lis Terminus radieux, débraillé, dans ton canapé. Tu ignores ce que fait Volodine à cet instant.  Petit à petit, mémé Oudgoul se lève, son fantôme de cellulose devient consistant. Ça y est,  elle est là- ou bien c’est toi qui te dématérialises dans le réacteur de la vieille. Tu n’entends plus le cow-boy respirer à côté de toi, tu n’es plus vraiment toi d’ailleurs : tu t’es métalepsisée, télétransportée, chaque parcelle de ta conscience et de ta mémoire devenues caisse de résonance et théâtre de vies minuscules qui ont grandi, grandi, comme le nez de Pinocchio, tu sais, le Mentir vrai d’Aragon, jusqu’à se détacher de toi et vivre sous tes yeux. Le ping-pong commence et tu frotterais presque ta joue contre celle de Volodine car lui non plus n'est plus là où il était. 
Mets ta lepse gamine !
OK, c’est parti !
La petite fille ne ricane plus, elle est droguée.   

            Eh eh, t’as de la lepse, t'as de la lepse ? 
Dis, c’est de la bonne ?  

Regarde comme elle est bonne, justement, tu goûterais presque aux plaisirs de la superposition quantique: 
- Je suis là... (moi)
- Non, là... (moi)
- En fait vous êtes simultanément là et là (c'est Shrödinger qui intervient). 
Le frisson est grand, le vertige profond et le plaisir presque érotique. Comme quoi, ils doivent avoir raison, les culs-bénis, de se méfier de la littérature: vaste lupanar dans lequel le narrateur s’agrippe à l'écrivain, pendant que le lecteur reluque, l'espace diégétique rendu moite, les pages comme les draps froissés, tandis qu'en franchissant les seuils on entre dans des alcôves, des bulles où les peaux se confondent et dans lesquelles on ne distingue plus, qui de la virgule ou de la langue vous effleure, si bien qu'on peut dire qu'en narratologie, ça copule à tous les niveaux. 



Pour les autres épisodes, c'est ici:

ALM/LAM/ MLA                           
Songe d'une nuit d'été
Ce qui reste

mercredi 22 avril 2015

Soirée de lancement de la Revue Métèque 2 au Monte-en-l'air




mardi 21 avril 2015

Revue Métèque 2

Il semblerait que l'une de mes nouvelles Sapin la mère figure dans la Revue Métèque 2, troisième du genre sous la houlette de Jean-François Dalle. L'appel à texte s'était fait autour du thème "Papa Maman". 

Voici l'édito de la revue:

Nid ou  nasse, originelle mais aussi éternelle, pire que le plus têtu des tatouages, c’est la famille, cette histoire aussi merveilleuse que fâcheuse que sont ces p’tites graines : la petite de Papa et l’énorme de Maman.


Si j’ai un avis sur la famille-et pas seulement sur la mienne, bien sûr – je ne vous avais pas poussé dans un sens plus qu’un autre : « Tout sera possible, l’hommage comme le meurtre. »


Comme il fallait s’y attendre, l’hécatombe a supplanté les stèles…

Dans RM0, vos villes avaient été des cauchemars, pour RM1, l’amour et le sexe en avaient été un autre. Pourquoi votre famille en serait-elle  sortie moins amochée ? Or donc, comme prévu,  papa maman ont dérouillé, ont grave morflé, comme disent les jeunes…

Les ex-enfants ne sont que des chiens infidèles : sitôt que nos très jeunes années ont cramé, elles crament si vite, nous les abandonnons à leurs vies, les parents.


Nous voulons dériver ! Nous sommes le vent, ils sont la terre.
Eux, ils n’ont pas su, ou peut-être, mais il y a si longtemps … Nous, nous allons savoir ! Notre heure a sonné en même temps que le glas de leur emprise.

Les jeux semblent faits : nous sommes le parfum et eux, le rance.

Eux… Eux, ils ne sont pas parfaits bien sûr. Ils le savent même parfois. Ils gardent des photos de nous dans de petites boites en carton, des photos de quand nous étions une famille. Nous étions des animaux contre lesquels il avait fait se blottir. Ils voulaient avoir des enfants, nous étions tellement content de les avoir. Puis …


Je ne peux embrasser ici un sujet aussi tentaculaire, ma vie n’y suffirait pas.


Par ailleurs, de moi, vous ne tolérez qu’un édito presto, ne me dîtes pas non.


RM2 est un kaléidoscope : il rend assez bien les deux aspects de ces rapports à jamais impossibles, faits d’amour et la haine au sein de cette fameuse cellule familiale que tout menace, où ces êtres intelligents que le hasard a fait se connaître s’interrogeront leurs vies entières sur le don et sur l’emprise, sur ce qui est bon de faire ou de défaire.


Je remercie tous les auteurs d’avoir mis leurs affres intimes au service d’RM, voire de la littérature. Même si, disons-le, se mettre à nu est plutôt une chose agréable.

Photos & illustrations ©photos : Toshihiro Okada – Marc Brunier Mestas – André Fromont – Justin Aermi – CW Wells – Sophie Lampole – Marsha Estes – Roger Guetta – Matteo Varsi – Anne Van Der Linden


mardi 14 avril 2015

Six feet over



Inspirés par la nuit
Les pissenlits étoilent les champs
Et le cul dans l'herbe
Je lune ce firmament

vendredi 10 avril 2015

Rencontre à la librairie Chemins d'encre de Conques

Le samedi  02 mai à 18h, j'aurai le plaisir de participer à une causerie littéraire avec l'excellente Magalie Bremaud à la Librairie Chemins d'encre de Conques, tenue par Marie-Geneviève Fau.

Outre une lecture croisée d'extraits de nos deux nouvelles lauréates du Prix International de la nouvelle George Sand, nous discuterons à bâtons rompus de la tension entre l'écriture et le fantasme, en nous demandant, au passage, si la question du genre - puisque c'est swag paraît-il- travaille cette friction. 

Et si l'on n'est pas appelées prématurément par les petits-fours, nous pourrons essayer de comprendre, le cas échéant, comment le féminin nourrit l'écriture. 

Tout cela sans compter les fantaisies du public qui aura peut-être l'heureuse idée de faire dévier la conversation sur le pinard non filtré, les mérites de l'andouillette de Guéméné comparés à celle de Troyes, ou la photographie aérienne par cerf-volant - mais là, je laisserai Magalie se démerder puisque c'est elle la spécialiste. Moi je serai déjà à l'apéro.

mardi 7 avril 2015

La liste de Madeleine



La petite fille et le cow-boy, outre le froid, ont un ennemi redoutable : l’herbe mauvaise qui envahit le jardin, étouffe les iris et coupe les doigts. Ils n’y vont pas de main morte et, sabre au clair, n’hésitent pas à dégommer l’Indésirable.

Le désherbage, c’est de saison : avant les semis de printemps, on fait place nette, épilation du jardin façon maillot de ces dames pour la piscine. 

Attention, la petite fille et le cow boy risquent de crier s’ils entendent parler de Round up. Ici, on s’épile à la main : huile de coude et cire à froid, on va pas s’empoisonner à domicile. 

Le désherbage, c’est de saison, donc. La preuve ils ont passé le week-end de Pâques à arracher folle avoine et chiendent, veillant à séparer le bon grain de l’ivraie,  saint évangile du potager. 

Mais voilà, la langue est riche de métaphores qui se tapissent dans les champs lexicaux comme un vilain liseron déguisé en clématite : gaffe aux faux-amis. Le désherbage ne s’en prend pas toujours qu’au chiendent, la petite fille l’a appris à ses dépens. 

L’histoire commence il y a fort longtemps. Avant la naissance de la narratrice, juste après la Seconde Guerre Mondiale. Nous sommes à Veynes, cité cheminote des Hautes-Alpes, et pour le coup, ce n’est pas la petite fille dont il sera question mais de moi, cette fois je n’irai pas au bal masquée. 

Pour parler de ma grand-mère je ne laisserai pas faire Pinocchio. Le mensonge, s’il flamboie, serait incapable de dérouler l’infinie tendresse que j’ai toujours pour celle qui fut ma grand-mère, née Dora Roumilhac,  devenue Madeleine Roumilhac, car elle avait choisi son nom, puis Madeleine Roux car elle avait donné son coeur, par delà les livres, à mon grand-père, Roger Roux.

C’est de livres dont il sera question. De livres et de désherbage. Car c’est ainsi que les bibliothécaires nomment l’opération consistant à trier le bon grain de l’ivraie, métaphore habile ayant le bon goût d’éviter de parler de pilon, qui fait référence au marteau-pilon, qui évoque les forges, qui conduit aux Enfers. 

Car, las, une bibliothèque reste une vitrine soumise au caprice des saisons et l’on doit, au printemps ou je ne sais trop quand, se plier aux versatilités du moment. 

Je me suis toujours demandé (outre les critères d’information périmée et de détérioration physique de l’objet) ce qui permettait de décréter qu’un livre est bon pour la poubelle…

Un plaisant acronyme mis au point par la Bibliothèque Publique d’Information de Paris, a l’heur de répondre à ma question : la méthode IOUPI, youpi. 


I : Incorrect, mauvaise information : ne pas prendre le risque de laisser sur les rayons de la bibliothèque des documents donnant des informations fausses 


O : Ordinaire, médiocre 


U : Usé, détérioré : l’examen matériel est très important, un livre détérioré n’est pas attractif, il doit être sorti des rayons. Surveiller plus particulièrement le secteur jeunesse qui a un taux de rotation plus important et où par conséquent les documents s’usent plus rapidement. 


P : Périmé : document dont les informations ne sont plus à jour 


I : Inadéquat par rapport au fonds ou au public : trop spécialisé par le thème ou niveau trop bas ou trop intellectuel par rapport au public

Youpi, donc, dansons la carioca, faisez tous comme moi.  

Pendant plus de soixante dix ans, ma grand-mère, Madeleine Roux, femme de Lettres s’il en est, qui savait, comme le dit Tahar Ben Jelloun, qu’ « une bibliothèque est une chambre d’ami », s’entoura de livres. Elle en connaissait la préciosité, je ne dirai pas le prix volontairement, car il s’agit d’une valeur qui ne se monnaye pas. De santé fragile, elle avait passé la moitié de son enfance en leur seule compagnie, obligée de rester alitée, meublant ces longues heures de solitude de leur conversation ininterrompue, bavardant avec Beatrix Potter qui lui ouvrit la porte de son jardin anglais quand elle ne pouvait marcher. Plus tard, Madame Piquedru et Sophie Canetang furent remplacées par les chats de Colette, lorsqu' adolescente,  Madeleine partit en Suisse dans un sanatorium dont je ne connais pas le nom. Elle y conversa  avec Shakespeare ou Calderon dont elle apprit le pouvoir des songes.  Ils l’accompagnèrent dans ses luttes contre la douleur qu’elle eut la pudeur de toujours nous taire mais qu’on devina. 

Ils l’accompagnèrent également pendant la guerre qui obligea sa famille à fuir de Marseille dans les Hautes-Alpes, les nazis traquant mon arrière-grand-père  - au sujet de qui j’aurais un jour, je l’espère, la hardiesse d’écrire, car Jean Roumilhac est un géant que je poursuis mais dont la carrure finit toujours par m'engloutir. 
Gloser, embellir et mentir, je sais faire. En revanche, dire la vérité sur un héros sans trahir son sang pour vermiller le mien est une tâche face à laquelle je me sens, pour le coup, petite fille. Lydie Salvayre y est arrivée, peut-être que plus tard… 
Mais cela est une autre histoire, tout du moins, une autre ramification, car j’ai la fantaisie de croire qu’on saute toute sa vie de branche en branche, s'imaginant sillonner des forêts pour, à la fin, découvrir qu'on n'a jamais couru qu'autour du même tronc. 

Ainsi, Madeleine a grandi entourée de livres, pour les traduire par la suite. Goethe, Byron, Schiller, Ferlinghetti et j’en passe.  Je retrouve son regard dans les photos de Simone de Beauvoir. Même paupière intelligente, rieuse et sagace, même opiniâtreté, mêmes luttes. 
Ma grand-mère était une grande intellectuelle, je n’ai pas peur de l’écrire. Et, le plus modestement qui soit, parce qu’elle croyait en la lutte des classes, parce qu’elle aimait les gens comme elle aimait les livres,  s’est occupé, pendant cinquante ans, du Foyer Culturel de Veynes. Invariablement derrière le bureau de noyer, les samedis après-midi, mémée Jacon, Lélette et bien d’autres saisis par son virus, par cette force d’amour pour la littérature.  

Là, dans la salle au parquet grinçant, elle a cultivé les étagères comme elle choyait ses rosiers, portant un soin à la fois érudit et patient à la sélection des ouvrages et des collections, aussi délicatement qu’elle mariait les parfums et les couleurs de la Charmille, capable de conseiller chaque abonné en fonction de ses goûts, accompagnant chacun de ses ouvrages lorsqu’il passait la porte, lequel dans une poche, lequel dans un cabas, d’un sourire bienveillant. 

Comme elle les aimait ces livres… 

Pourtant.

Las, les livres, comme les hommes ont une fin.

D’ordinaire, les bibliothèques survivent à ceux qui les ont bâties. 

C’est d’ailleurs ce qui s’est passé avec ma grand-mère. La bibliothèque lui a survécu. Sa fille, Christine, a pris la relève. Combien de fois ai-je alors flâné,  au milieu de ces volumes chéris, caressant le papier tantôt blanc, tantôt jauni, toujours odorant, guettant le grain velouté de ses joues sur les pages car, me semblait-il, elles avaient encore l’odeur de son poudrier? Je respirais les feuillets en quête de son parfum évanoui, de sa peau. 

Non, Léo, avec le temps tout ne s’en va pas ni ne s’évanouit…

Mais les bibliothécaires qui ont succédé à ma tante n’ont pas flairé, au cœur des pages, l’odeur de l’amour. Ils ont simplement éternué. 
Dieu que les étagères exhalaient la poussière et le temps! Ils virent les livres de Madeleine comme du liseron. Borgès étouffait Musso et les Rougon-Macquart envahissaient les murs de leurs vrilles. 

Ils tapèrent sur leur ordinateur des lettres. 

I.O.U.P.I. 

Youpi, une méthode pour désherber ! 

Et vlan, Borges et Le Rapport de Brodie  aux oubliettes, Duras et son Amant au placard.

Youpi: il y avait enfin de la place sur les étagères. 

On fourra tous les vieux ouvrages dans des cartons, pas à la poubelle, fallait pas exagérer, on n’exécute pas des ancêtres, suffit de les mettre dans des boîtes, pour ne plus sentir leurs languides exhalaisons. 

Plus de mille œuvres furent ainsi mises au rebut dans une salle abandonnée de la mairie. 

On les oublia. 

Avec le temps…Avec le temps va, tout s’en va... peut-être bien, finalement…

Et puis, l’année dernière, la mairie est passée à droite. 
La petite fille a pleuré. Elle avait cru que la commune de Veynes était un îlot, une vallée pour toujours à gauche, du côté du cœur, là où ça cognait dans la poitrine des cheminots, à bâbord  des poumons.  

Mais René Moreau avait basculé la manette de l'aiguillage. Finie la mythique Etoile de Veynes, le PLM, les souvenirs rococos trop cocos: on allait entrer de plain-pied dans le XXIème siècle ! Fallait être de son temps, non de dieu, pas toujours pleurer les vieux oripeaux !

Il en avait, des idées le René Moreau, toutes fraîches et libérales, fringantes et vivaces à sa boutonnière Gucci. Pour elles, il avait besoin de place, beaucoup de place, parce que les idées, c’est comme l’argent, faut les faire croître, beau comme une courbe d'inflation. 

Alors le conseil a voté . IOUPI. 

Place nette dans les locaux, plus de vieux cartons remplis de Proust ni de Madeleine, la mienne, grand-mère chérie. 

La tante de la petite fille en est presque tombée de sa chaise. 

En moins de deux, elle a fait ce qu’elle sait faire parmi tant d'autres qualités: lutter. Ne pas se laisser faire, agir, mettre son intelligence au service de l'action, et surtout, ne pas avoir peur. 

Alors, elle a remonté ses manches et les escaliers qui grimpaient à la salle où les cartons avaient été embastillés. Elle les a bahutés un a un.

Plus de trois tonnes de livres, travail de titan. 
Ils ont atterri dans son garage, les uns sur les autres, recouvrant le tas de bois, la chaudière à mazout : un demi-siècle de Foyer Culturel sauvé dans son arche de papier.

Puis, Mère-Noël diplômée de la DASS, elle a cherché une famille pour chacun.

La petite-fille et le cow-boy ont hérité de trois cartons.  

Pour Madeleine, pour Christine, pour tous ceux qui aiment les tiges volubiles du liseron, je partage la liste des orphelins que nous avons accueillis chez nous. 
Gageons que les poumons verts et bleus de Walden leur permettront d'étendre leurs vrilles loin dans les champs, peut-être même dans le cœur de Petit-Biscuit, qui, en troisième prénom, porte le doux nom de Madeleine.  
  


          Les nuits du Sertao, de Joao Guimaraes Rosa, L’imaginaire, de Jean-Paul Sartre, Les pays légendaires, de René Thévenin, Souvenirs d’égotisme, de Stendhal, Le Bal du Comte D’Orgel, de Raymond Radiguet, Le temps du mépris, de André Malraux, Le médecin de campagne, de Balzac, Une page d’amour, de Emile Zola, Les illusions perdues, d’Honoré de Balzac, L’homme d’avril, d’Emmanuel Roblès, La folie en tête, de Violette Leduc, L’ennui, de Moravia, Le hussard bleu, de Roger Nimier, Contes de la bécasse, de Maupassant, Colomba, de Mérimée, Tarass Boulba, de Gogol, Les mythes de l’amour, de Denis de Rougemont, Voyages de Gulliver, de Swift, Splendeurs et misères des courtisanes, de Honoré de Balzac, Le lit défait, de Françoise Sagan, L’île d’Arturo, d’Elsa Morente, Le quai des brumes, de Pierre Mac Orlan, Les neiges du Kilimandjaro, d’Ernest Hemingway, L’énergie spirituelle, de Bergson, Tendre est la nuit, de F. Scott Fitzgerald, Chacun son royaume, de Georges Navel, Fantômas 7, Fantômas 8, de Souvestre et Allain, J’avais un camarade, de Paul Vialar, La grande peur, de C.F Ramuz, Don Juan ou la vie de Byron, d’André Maurois, Emmène-moi au bout du monde, de Blaise Cendrars, Le turbot, de Gunther Grass, Carnets, de Léonard de Vinci, Le coup de fusil, de Paul Vialar, La Vouivre, de Marcel Aymé, La Maladie infantile du communisme, de Lénine, Le lys rouge, d’Anatole France, Le fou d’Edenberg, de Samivel, Le rapport de Brodie, de Borgès, Le mépris, de Moravia, Le cheval Roux, d’Elsa Triolet, La cavalière Elsa, de Pierre Mac Orlan, La voie royale, de Malraux, L’attention, de Moravia, Les aventures de Sherlock Holmes, de Conan Doyle, Essais de psychanalyse, de Freud, Les yeux ouverts, de Marguerite Yourcenar, La papesse Jeanne, de Lawrence Durrell, Le carnet noir, de Lawrence Durrell, Ange Pitou, d’Alexandre Dumas, Les grandes espérances, de Dickens, La dame de Monsoreau, d’Alexandre Dumas, Le collier de la reine, d’Alexandre Dumas, Luna Park, d’Elsa Triolet, Les beaux quartiers, d’Aragon, Au loin une voile, de Valentin Kataiev, Vigdis la farouche, de Sigrid Undset, Les chardons du Baragan, de Panaït Istrati, Les communistes, d’Aragon, Le bœuf clandestin, de Marcel Aymé, Le grand jamais, d’Elsa Triolet, Les trois mousquetaires, d’Alexandre Dumas, En arrière, de Marcel Aymé, La Plaisanterie, de Milan Kundera, Tigre en papier, d’Olivier Rollin, La vierge et le bohémien, de D.H. Lawrence, La jument verte, de Marcel Aymé, Le petit arpent du bon dieu, d’Erskine Caldwell, La symphonie pastorale, d’A. Gide, Isabelle, de Gide, La religieuse, de Diderot, Le bal du pont du nord, de Pierre Mac Orlan, La conspiration, de Paul Nizan, Le moulin de la sourdine, de Marcel Aymé, Bonsoir Thérèse, d’Elsa Triolet, La grande meute, de P. Vialar, L’annonce faite à Marie, de Claudel, Rocambole, de Ponson du Terrail, L’indésirable, de Debray, Le mystère de Cloomer, de Conan Doyle, Le diable au corps, de Radiguet, Manifeste du Parti communiste, de Marx et Engels, Gatsby le Magnifique de F. Scott Fitzgerald, Retour de l’URSS, de Gide, Le médecin de campagne, de Balzac, L’Or, de Blaise Cendrars, L’homme traqué, de Francis Carco, Le Guépard, de Giuseppe Tomasi di Lampedusa, Pris sur le vif, d’Erskine Caldwell, L’homme invisible, de Wells, Les affinités électives, de Goethe, L’exil et le royaume, de Camus, Le siècle des  Lumières, de Carpentier, Le château noir, de Gaston Leroux, Provinciales, de Jean Giraudoux, Les souffrances du jeune Werther, de Goethe, Les pléiades, de Gobineau, Station atomique, de Halldor Laxness, Le paon blanc, de D.H Lawrence, Femmes amoureuses, de D.H Lawrence, Les âmes mortes, de Gogol, La campagne d’Italie, de Mohrt, Le désarroi de l’élève, Törless, de Musil, Le journal du séducteur, de Kierkegaard.



Bibliographie de Madeleine Roux: 
  • Poètes transfontières: anthologie, Ed. La Bartavelle, 1989
  • Le prisonnier de Chillon, Ed. Gros Textes
  • Un Luna Park dans la tête, Poèmes, Ed. Gros Textes (traduction de Ferlinghetti)
  • Détour par les montagnes, Ed. Gros Textes, Les Alpes vagabondes.
  • Les lumières de la ville, in Anthologie hommage à la revue "Les Alpes vagabondes"
Sur Jean Roumilhac:

Dictionnaire des militants anarchistes
La filière marseillaise, de Daniel Bénédite
Le patron libertaire de la Vieille Chapelle, article de La Marseillaise
Cahiers de la Méditerranée
Les cénobites tranquilles
Francs-maçons marseillais et américains à la Libération,une correspondance inédite, Christine Roux



Pour les autres épisodes, c'est ici:

ALM/LAM/ MLA                           
Songe d'une nuit d'été
Ce qui reste